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Entretien de Djamel BOUALI : enseignant à l’école des Beaux arts d’Alger |
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Sauvegarder le patrimoine, c’est conserver notre mémoire…
Tourisme Magazine : Djamel, vous assurez actuellement le module de restauration-conservation des anciennes toiles à l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts d’Alger. Un domaine nouveau et méconnu en Algérie.
Djamel BOUALI : Effectivement, un domaine méconnu en Algérie et les spécialistes sont comme les oiseaux rares, et pourtant on a un pays à la taille d’un continent qui possède un patrimoine artistique immense et une diversité culturelle ancestrale, depuis les gravures rupestres du Sahara jusqu’à aujourd’hui. L’Algérie possède dans ses musées des collections importantes d’œuvres d’artistes nationaux et internationaux qui font le bonheur de l’histoire de l’art.
La Direction de l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts d’Alger m’a sollicité afin de partager mon savoir-faire en matière de restauration et de conservation des peintures. Une première du genre qui a été accueillie avec un grand intérêt par les étudiants. Cependant, ces cours ne sont qu’une initiation à ce métier car la spécialisation nécessite plusieurs années d’études.
En premier lieu, nous avons abordé l’histoire de la conservation-restauration et du métier de restaurateur d’œuvres d’art, l’élaboration de la fiche technique et l’identification de l’œuvre en question, la stratigraphie d’une toile et les matériaux constitutifs, les critères d’intervention et les causes de dégradation et comment réaliser un constat d’état et diagnostic d’une toile ayant subi une détérioration.
Pour les travaux pratiques, la direction pédagogique de l’ESBA a mis à notre disposition trois anciennes toiles pour lesquelles nous devons apprendre à faire une restauration esthétique, nettoyage de tableau physique et chimique, réalisation de greffes pour les lacunes, renforcement des bordures et rentoilage, masticages, réintégration picturale et puis vernissage pour une protection de l’œuvre. Par ailleurs, chaque intervention est documentée et photographiée.
Tourisme Magazine : Mais d’abord c’est quoi une œuvre d’art ?
Djamel BOUALI : Toute œuvre d’art passe trois moments : 1-L’acte de formulation par l’artiste (création), 2-Le temps qui passe entre l’acte de formulation et le moment où la conscience perçoit l’œuvre comme une œuvre d’art, 3-La prise de conscience de l’œuvre comme œuvre d’art et la prise de conscience de la nécessité d’intervenir.
Le moment plus important pour l’histoire de l’art est le second car c’est l’histoire matérielle de l’œuvre d’art, qui est aussi conditionné par le vieillissement naturel et les interventions de l’homme. L’œuvre d’art est constitué par une dualité historique et esthétique, historique car l’œuvre d’art est le produit de l’œuvre humaine, elle apparaît à une époque déterminée et en un lieu donné, esthétique car elle est le caractère inhérent d’être une œuvre d’art.
Toutes les œuvres d’art ont le droit inaliénable à une existence honorable et digne.
La société contemporaine a besoin des références du passé pour se structurer, elle le recherche dans un patrimoine de plus en plus élargi. Et pour mener à bien cette enquête, nous utilisons la technologie. Dans la plupart des pays, la sauvegarde du patrimoine est aujourd’hui une priorité. Un nombre impressionnant de dossiers est soumis chaque année à l’UNESCO pour l’inscrire en tant que patrimoine universel.
Tourisme Magazine : Comment est née cette discipline ?
Djamel BOUALI : C’est Napoléon III qui a créé en 1860 à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris la première chaire consacrée à la physico-chimie appliquée aux arts, et nomma, à sa tête, Louis Pasteur, pur biologiste et grand passionné de la peinture et peintre lui-même.
Le musée de Berlin (actuel Musée d’Etat) fut le premier au monde, en 1888, à ouvrir un laboratoire d’analyse des œuvres d’art. Au cours du XXème siècle, de nombreux musées d’Europe et d’Outre-Atlantique se sont dotés de laboratoires équipés d’un appareil radiographique.
La responsabilité du restaurateur est importante parce que toute intervention de restauration s’inscrit dans l’histoire de l’œuvre d’art. Les critères d’intervention sont les principes auxquels on se réfère pour émettre un jugement, une appréciation.
En conservation et restauration, ils sont les lignes ou normes d’actuation, flexibles et variables par rapport aux méthodes et les matériaux, mais rigoureux en ce qui concerne la sauvegarde et l’intégrité de la valeur culturelle des œuvres d’art. Ils sont indispensables des établissements théoriques et une connaissance du contenu de l’œuvre comme matière et comme image pour aboutir à des travaux de conservation et de restauration.
Afin de garantir cette vocation de la société contemporaine, les responsables scientifiques des sites et des œuvres, conservateurs, archéologues, architectes, restaurateurs et historiens d’art travaillent très étroitement avec les chimistes au diagnostic de l’œuvre, à la caractérisation de son identité et enfin à sa sélection comme témoignage patrimoine de son époque.
Ce dialogue entre les sciences exactes et les sciences humaines à propos de l’art et du patrimoine est l’une des démarches les plus émouvantes de notre époque. En se rejoignant, les points de vue scientifique et artistique permettent d’objectiver une vision élargie des œuvres mises dans un contexte historique afin de les intégrer dans un héritage culturel. Ensemble, ils ont adopté des appareils perfectionnés et des méthodes de pointe pour engager un véritable travail autour de la nature technique de l’œuvre d’art.
C’est d’ailleurs la création de la conservation-restauration qui a permis ce dialogue interdisciplinaire issu d’un mouvement de sensibilisation né il y a deux siècles. En effet,
Il s’agit autant d’expliquer aux artistes l’intérêt des sciences pour mieux comprendre des phénomènes comme celui de la lumière et des couleurs que d’aborder des problèmes de conservation, comme celui de l’obscurcissement de la peinture à l’huile.
Tourisme Magazine : Votre parcours artistique est assez singulier. Une passion dévorante d’un touche-à -tout qui foisonne de projets...
Djamel BOUALI : C’est une passion qui se cultive souvent dès l’enfance, grâce au milieu familial, culturel ou social. La compréhension de l’espace, le sens des couleurs, le don pour le dessin se révèlent précocement, autant de qualités qui doivent, bien sûr, être complétées par un labeur acharné et quotidien. Pas de limites au processus de création, pas de limites non plus à l’utilisation des techniques et des supports. Dans ce domaine, l’artiste peintre peut donner libre cours à sa fantaisie et utiliser, à inventer une large palette de pratiques pour donner corps à son inspiration. Mes débuts remontent à 1998 à la Maison de jeunes d’El Kseur, dans la région de Béjaia. Quelques années après, j’ai compris que je devais rejoindre une école d’art pour renforcer mes capacités.
Tourisme Magazine : Artiste-plasticien, graphiste et photographe attitré, diplômé en communication visuelle… Votre palette est un arc-en-ciel artistique !
Djamel BOUALI : Grâce à mon classement en tant que major de promo de l’Ecole des Beaux-Arts de Constantine, j’ai bénéficié, en 2010, dans le cadre de la coopération algéro-espagnole, d’une formation en Conservation–restauration des biens culturels spécialisé dans les anciennes toiles. En 2011, j’ai obtenu le diplôme de formateur dans l’Interprétation du Patrimoine Immatériel en Tunisie, initié par la Fondation espagnole pour l'Innovation de l'Artisanat. Toujours alerte et à l’écoute des offres de formation, j’ai bénéficié d’une formation dans l’entrepreneuriat créatif destinée aux artistes porteurs de projets innovants, couronné par une attestation de l’Université de Manchester. J’ai également, à mon actif, pas moins de 250 participations à des expositions, rencontres et workshops d’art en Algérie et à l’étranger. J’ai travaillé également sur l’aménagement artistique et graphique de l’éco-musée du Parc national de Gouraya qui est considéré comme le premier en Afrique et le troisième au monde…
Tourisme Magazine : A Radio Soummam, vous animez l’unique émission dédiée aux arts plastiques et visuels en Algérie. Une main tendue aux jeunes artistes qui allie humilité et militantisme pour la chose artistique.
Djamel BOUALI : C’est ma 2ème année au compteur de l'émission hebdomadaire : Tazuri icebhen/Les Beaux-Arts, à Radio Soummam. Cette émission ouvre les portes de l'univers des créateurs plasticiens et visuels, à la fois pour la découverte des talents et la promotion de la nouvelle vague de l’art algérien, mais aussi et surtout pour engager un véritable débat sur les problématiques liées au domaine. J’offre une véritable tribune aux artistes qui réfléchissent à haute voix et partagent leurs préoccupations.
L’opportunité que m’offre la radio me permet de toucher un large public et toutes les couches de la population. Dans la rubrique Ephéméride, je rappelle les grands évènements de l’histoire de l’art algérien et universel, avant de passer au reportage et entretien réalisés avec des artistes que je rencontre lors de mes déplacements en Algérie ou à l’étranger. Dans chaque émission, je reçois des invités sur le plateau pour discuter d’un thème, d’un évènement ou d’une actualité. Je consacre aussi des émissions spéciales, comme par exemple en 2019, pour le 500ème anniversaire de la mort de Léonardo de Vinci (1519-2019) où j’ai eu le plaisir de recevoir le Professeur Riccardo Magnani, expert attitré du célèbre peintre. Le terrain reste encore vierge, il reste encore beaucoup de travail à faire dans ce domaine très vaste.
Tourisme Magazine : Le potentiel artistique existe en Algérie. Comment voyez-vous son avenir ?
Djamel BOUALI : Cette question a longtemps été négligée. Elle mérite un débat très sérieux sur la place de l’art et de l’artiste en Algérie. L’éducation artistique et culturelle concourt à la formation intellectuelle et contribue à la formation de la personnalité en ce qu’elle constitue un facteur déterminant dans la construction de l’identité culturelle de chacun. L’artiste doit vivre de son art, ce qui s’avère encore très difficile aujourd’hui.
Comme il n’y a pas une véritable politique culturelle, le manque de collectionneurs et de mécènes, et l’acquisition des œuvres par les institutions étatiques n’encouragent pas la créativité. Les institutions devraient engager et faire participer les artistes dans les plans d’aménagements et l’embellissement de nos villes, la question esthétique est quasiment absente dans le débat social et politique….
Tourisme Magazine : On ne va pas conclure si une note sombre, vous qui aimez les couleurs !
Djamel BOUALI : Mon intérêt pour la vie locale, mon envie d'y contribuer font partie intégrante de ma personnalité, mon attachement à mon pays sont guidés par la conviction qu’il est possible, en Algérie de 2020, d'innover en matière d’action artistique et culturelle, de solidarité, de démocratie locale, de dialogue citoyen, de dynamique collective. Je suis toujours heureux quand je prends ma part à la création d'une société juste et dynamique où chacun est respecté pour ce qu'il est et où le plus grand nombre se sent invité à contribuer à l'œuvre collective. Dans chacun des domaines où j’ai pu agir, je me suis attaché à entretenir les partenariats et à faire partager mes idées et mes connaissances. C’est lorsque on agit ensemble que nous pouvons réellement espérer faire avancer la cause commune. Je finirai par l’adage africain « Seul on va vite, ensemble on va plus loin ! ».
Entretien réalisé par Farid BENAHMED
Encadré 1
Qu'est-ce qu'un restaurateur d’art ? Un restaurateur, grâce à sa formation, ses connaissances et son expertise, est en mesure d'accomplir diverses tâches de préservation (examen et évaluation de l'état d'un objet, traitement, documentation, conservation préventive, etc.) dans un domaine précis (peinture, textile, meuble, etc.). Il est exigé une spécialisation hautement qualifiée et des années de pratique.
Quelles études faut-il faire pour être restaurateur d’art ? La collectivité du patrimoine exige des restaurateurs, des études post-secondaires en restauration dans un collège des arts appliqués et de technologie. Il est essentiel que les restaurateurs connaissent bien les divers matériaux et de quelle façon ils interagissent avec leur milieu pour être en mesure de réduire ou de prévenir toute dégradation et de déterminer si les traitements proposés sont adaptés. Les restaurateurs doivent être versés en histoire de l'art, en anthropologie, en archéologie et en histoire naturelle et faire preuve d'une grande dextérité manuelle.
Quelles sont les fonctions du restaurateur d’art ? Restaurer les objets de valeur historique ou artistique en se chargeant de la conception, de la planification, de la coordination et de la direction de projets de restauration ou de préservation dans un domaine de spécialisation donné. Formuler des recommandations en matière de conservation préventive et contribuer à la mise au point de méthodologies ou d’outils de conservation des biens culturels.
Entretien réalisé par Farid BENAHMED |
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